Initiatives d’un kinésithérapeute libéral, spécialisé en neuro-rééducation, à la suite du confinement et analyse patient

Des cours de gym et de neurologie par visio-conférence ont été proposés à une partie de ses patients neuro-lésés. Ces initiatives ont permis de tester le système de séances collectives, par visio-conférence.

Le 16 mars dernier, le confinement a été déclaré. « A la suite des annonces du Président de la République le 16 mars 2020, et devant la nécessité absolue de contenir la propagation trop rapide de l’épidémie de Covid-19, le Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes a demandé aux kinésithérapeutes de fermer leurs cabinets à compter de mardi 17 mars 2020. » (source : site internet de cet Ordre.) Les kinés pouvaient continuer de prendre en charge les patients à domicile pour les cas les plus urgents. Les patients neuro-lésés suivis par les kinés en libéral, sont en phase chronique donc non-urgente.

Francis Laurent est kinésithérapeute à Bordeaux, sa patientèle est uniquement composée d’adolescents et adultes avec atteintes motrices d’origine neurologique (AVC, maladie de Parkinson, sclérose en plaque, lésions médullaires, traumatisme crânien, paralysie cérébrale…). J’ai connu ce kiné par ses sites internet qui présentent sa méthodologie d’évaluation et de prise en charge et ses réflexions en lien avec la kinésithérapie des patients qu’il suit. Je suis allée en avril 2019 observer sa pratique dans son cabinet et bénéficier de séances collectives de rééducation.

1) Cours de gym collective par visioconférence

Du 31 mars au 9 mai, il a proposé à des patients de participer à une séance de gym (et non de kinésithérapie) par visio-conférence, pendant 1h tous les jours, sauf le dimanche.

  • Chacun était libre de se connecter à la séance de gym, sans avoir à en référer au kiné au préalable.
  • 2 cours étaient proposés en fonction des capacités et non de la pathologie : le cours de 10h30 s’adressait aux patients pouvant marcher, celui de 15h30 s’adressait aux patients non-marchants. Ainsi des personnes avec une hémiplégie suite à un AVC, étaient associées à des personnes quadriparétiques de naissance.
  • Les séances auxquelles j’ai participé, comptaient 14 participants environ.
  • Le kiné montrait un exercice puis regardait et commentait l’exécution des participants-patients.
  • Tous les participants pouvaient se voir et interagir les uns avec les autres, même si la situation ne s’est pas beaucoup présentée.
  • Certaines personnes n’activaient pas leur caméra ou en étaient dépourvues.
  • Le télé-soin a été autorisé par un décret le 19 avril mais n’a pas été proposé, par ce kiné.

J’ai proposé de faire participer des patients que je connais mais qui ne connaissaient pas ce kiné. Certains ont occasionnellement participé à ces séances de gym.

Mon retour d’expérience :

J’ai conservé grâce à ces séances de gym, l’appui nécessaire au maintien de ma condition physique.

– Je suis intégrée à une communauté de patients qui souffrent de la même pathologie que moi, ou similaire : je ne me sens pas isolée dans ma difficulté. Ordinairement, ce kinésithérapeute met en place des séances de rééducation collectives de 4 personnes auxquelles j’avais participé. (Comme tous ces patients, préalablement à ces séances collectives, le kiné avait établi un bilan de mes capacités motrices qui avait duré 6h.) Les interactions multiples semblent décentrer la relation patient/ soignant, ce format écarte peut-être aussi les situations « duelles » dues à la fréquence des séances.

– Je bénéficie d’un moment d’échange entre pairs, qui compense la dé-sociabilisation due au confinement. (Dans cette période d’incertitude, de délaissement thérapeutique, le professionnel de santé maintient un lien avec ces patients ; en toute circonstance, personne ne doit pas renoncer à prendre soin de soi ! )

2) Cours de neurologie dispensées à ses patients en visio-conférence

Depuis 15 avril, ce kiné propose une fois par semaine, une visio-conférence à ses patients. 70 patients sont invités et jusqu’à 30 personnes suivent le cours. Il s’agit de cours sur la neurologie et les atteintes motrices d’origine neurologique, qu’il donne en institut de formation des kinés. A ce jour, il poursuit cette pratique, sans qu’aucune date de fin n’ait été arrêtée.

Mes observations :

J’ai été très étonnée du suivi massif de ces cours qui sont complexes. J’imagine que l’interactivité permise par la visio-conférence, participe à cette belle audience.

Les cours sont assez difficiles et sont suivis au minimum par 18 personnes et au maximum par 30 personnes pour le moment. Je me questionne sur la motivation des personnes à vouloir suivre ces cours.

– Comblent-t-ils l’ennui lié au confinement ?

– Des cours de neurologie, en situation hors confinement, seraient-ils autant suivis ? Le 6ème cours de neurologie après « déconfinement » a attiré 18 personnes, ce qui est le nombre de participants le plus bas.

– Répondent-t-ils à un réel besoin de comprendre la neurologie ? Je trouve très intéressant qu’un professionnel de santé délivre un cours de ce niveau à ces patients. Cela m’a renvoyé à une autre expérience que je vis, systématiquement avec mon médecin généraliste, qui pendant la consultation, me parle comme si j’étais un homologue et non un patient. Je ne comprends pas toujours tout mais il me donne ainsi une grande responsabilité. Il répond volontiers à toutes mes questions quand je ne comprends pas.

Personnellement, je considère que ces initiatives sont intéressantes et pourraient être poursuivies sous la forme de télésoin pour que le thérapeute puisse être rémunéré. Les cours de neurologie me permettent de comprendre la complexité de la discipline et la difficulté pour les kinésithérapeutes de comprendre la motricité des patients neuro-lésé. Cette complexité se reflète dans la difficulté à trouver des kinésithérapeutes capables d’aider ce type de patients.

Stéphanie Fauré

Présidente de l’association Patients avec paralysie cérébrale, association membre de l’Alliance sans frontières pour le partenariat de soin avec le patient
Etudiante dans le cadre du DU Art du Soin en partenariat avec le patient à la faculté de médecine de l’Université Côte d’azur

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