ARGUMENTAIRE
Depuis le début des années 2000, le développement de la démocratie sanitaire a conduit à une plus grande implication des usagers dans le système de santé. Patients, mais également familles et aidants, son associés à la réflexion sur l’évolution des politiques de santé, et participent concrètement à l’élaboration des projets des établissements hospitaliers entre autres. Il en est de même pour la dynamique de mise en œuvre des contrats locaux de santé (CLS) et autres projets territoriaux de santé mentale (PTSM).
Par ailleurs, le développement des maisons des usagers permet aussi, en renforçant leur présence au sein des établissements, de parfaire leur intégration. Cela se traduit au plus haut niveau, puisqu’ils ont été
inclus par le Centre Consultatif associé à l‘Organisation Mondiale de la Santé (CCOMS), pour participer à la révision de la Classification internationale des Maladie (CIM11). C’est maintenant, leur place dans les soins auprès d’autres patients, qui est interrogée.
Ainsi, la question de la pair-aidance a été posée, dès le premier congrès de Psychotraumatologie organisé de Bordeaux en novembre 2019, soulevant une multitude de questions : Comment associer, sans les mettre à mal, les patient.e.s et leurs proches aux soins, mais aussi à la formation des professionnels de santé ?
Le Centre national des ressources et de résilience (Cn2r) a affiché rapidement sa volonté de constituer un groupe de partenaires constitué de personnes ayant été exposées à l’épreuve du trauma, et ce grâce à l’aide, entre autres, de Luigi FLORA.
Qu’ont-ils/elles à transmettre aux professionnels de santé mais aussi à tous les acteurs participant à leur prise en soins ?
Que peuvent-ils apporter à leurs pairs de leur propre expérience ?
Comment pouvons-nous les intégrer au sein de nos équipes ?
Quels partenariats pouvons-nous mettre en place ?
Le parcours de reconstruction post-traumatique est souvent long et sinueux. Il peut être émaillé de multiples embûches et se conjuguera volontiers au pluriel, où soins et justice s’entremêleront bien souvent. Tout au long de ce parcours, la personne concernée peut prendre tantôt la place de patient, tantôt la place de citoyen, tantôt celle de victime. Elle développe ainsi un savoir expérientiel, qui dépasse le seul champ de la maladie. L’acquisition de ce savoir peut débuter dès l’enfance ou l’adolescence. Quel que soit l’âge d’acquisition, l’individu porteur de ce savoir peut devenir un catalyseur de changement. Mais sommes-nous prêts à les écouter, à apprendre d’eux, et même à travailler avec eux dans un souci partagé d’amélioration des connaissances de leurs pathologies et donc de nos prises en soins ? Pour Luigi FLORA, « la base du soin est une rencontre à soi, à l’autre, permettant ainsi une meilleure efficience des actes de soins ». C’est aussi une rencontre, une « vraie », qui est à l’origine de l’intégration au sein de l’équipe du Centre Régional du Psychotraumatisme (CRP) Sud Nouvelle Aquitaine de Marie-José*, « notre » patiente-partenaire : une rencontre reposant sur la confiance et le respect mutuel des individus, de leur savoir, de leur expérience et/ou expertise, qu’elle ait été acquise sur les bancs de l’université ou durant le temps nécessaire à la reconstruction.
Ainsi, Marie-José a été naturellement associée à la réflexion, l’animation puis l’évaluation d’un groupe de psychoéducation à destination des victimes de violences sexuelles, mais aussi à la conception d’actions de sensibilisation et de formations sur le psychotraumatisme. Car comme le dit Charles PEPIN, « la rencontre n’est pas simplement un plus. Elle n’est pas intéressante. Elle n’est pas divertissante. Elle est le cœur d’une vie humaine…
*Luigi FLORA a été de 2020 à juillet 2023 coordinateur du partenariat avec les personnes à l’épreuve de psychotraumatisme.s au Centre national ressources et résilience (Cn2r) et est également co-directeur patient du centre d’innovation du partenariat avec les patients et le public (CI3P), à faculté de médecine de l’Université Côte d’Azur depuis 2020.
**Marie-José Hay est présidente de l’association En Parler, inscrite cette année au DU « Patient formateur au parcours en soins chroniques » au sein de l’Université de Bordeaux.
***Charles PEPIN est philosophe et romancier, auteur notamment de « LA RENCONTRE, une philosophie ».
****Article 3 de la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé : Les UFR médicales doivent favoriser la participation des patients dans les formations théoriques et pratiques